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Fermentation : Elle a tout bon !

Fermentation : Elle a tout bon !

À partir du 15/09/2025

Voici venu le temps des fermentations. Pas parce que c'est l'automne, les vendanges ou parce que les récoltes au jardin sont généreuses. Mais parce que ce mode de transformation de nombreux aliments est au (bon) goût du jour. Un peu partout, on s'entraîne à domestiquer le microbe*. Et l'on prend plaisir à en manger !

 

Pascale Solana.

"Allo Emma ? Tu connais pas quelqu‘un qui voudrait partager une belle mère ? Une de kombucha, un scoby** quoi ! Ou alors des grains de kéfir ? " Simultanément à la rédaction de cet article, j‘ai voulu vivre en direct une fermentation. Ces deux boissons pétillantes - kombucha et kéfir - sont aisées à réaliser, comparées au vin (et ma cuisine n‘est pas de taille !) ou à la bière, même si certains passionnés brassent l‘orge et le houblon dans leur garage avec bassines et tambour de vieux lave-linge bidouillé.

Une connaissance de ma copine Emma m‘a donc procuré le ferment : des grains gélatineux et blanchâtres, dans un bocal de récup étiqueté au feutre "Kéfir". À moi les "diamants mous", comme les appelle Pierre Faudot dit Bel, tombé en amour des fermentations au point de devenir papa d‘une gamme locale de kombucha, Archipel. Il est d‘usage de se transmettre les ferments entre particuliers ou via des sites, et souvent gratuitement, explique ce jeune polytechnicien dans son guide Kéfir et Kombucha (Éd. Uqbar).

Armée d‘une bouteille, d‘un bocal et d‘une passoire, j‘ai mis tout le monde à l‘eau, sucre, citron, figues sèches, en compagnie des grains. J‘ai touillé, et le tour de magie est parti pour 72 heures (voir dans l'encadré "Fermentation : des recettes pour se lancer") ! J'aurais pu faire des yaourts avec du lait, des cornichons ou d'autres légumes en saumure. Ou du pain, mais trop classique. Reste que tous ces produits, vins et bières compris, comme la plupart des fromages, résultent de fermentations. Le sujet passionne.

Articles, livres, tutos, ateliers sont légion. Un peu partout, les fêtes de la fermentation se multiplient, comme à Pantin (93) en juin à la Cité Fertile, un tiers-lieu où l‘école La Source apprend à fermenter. Les aliments fermentés ont leurs aficionados, leurs experts, tels l‘américain Sandor Ellix Katz ou la française Marie-Claire Frédéric avec son blog Ni cru ni cuit, et leurs cuistots stars. Chez Florent Ladeyn, chef de trois restaurants dans les Hauts-de-France dont un étoilé, 30 % des accords mets et boissons sont des fermentations maison et locales. Et puis il y a toutes ces expériences dont l‘intrigant yaourt au vagin d‘une Américaine du Wisconsin évoquée par Anne-Sophie Moreau. Personnellement, je suis restée sur la ligne kéfir.


Zéro carbone

L‘histoire de la fermentation pourtant ne date pas d‘hier. "Aussi ancien que l‘apparition des bactéries, son usage est difficile à dater, explique le chercheur Christophe Lavelle. L‘archéologie nous ramène souvent au milieu du néolithique, à 5 000 ou 6 000 ans avant J.-C. pour le vin ou le fromage." Les premiers scénarios ? Des processus spontanés. Un ancêtre préhistorique qui, après avoir transporté du lait dans sa lunch box, une panse de bête tapissée de bactéries lactiques, le découvre caillé. Bon goût et sacrée DLUO*** ce skyr primal !Partout dans le monde, des savoir-faire, signature de cultures et de régions, se sont développés, donnant lieu à une multitude de produits fermentés π kimchi coréen (chou), miso japonais (soja, riz ou orge), garum méditerranéen (poisson), etc. π, représentant 5 à 40 % de l‘alimentation selon les pays.

"Mère" ou symbiose de bactéries et de levures pour fermenter le thé et le transformer en kombucha. © Getty Images.


*Terme imprécis qui désigne un micro-organisme pathogène ou non.

**Symbiotic culture of bacteria and yeast, culture symbiotique de bactéries et de levures, appelée "mère".

***Date limite d'utilisation optimale.


Dans ces processus de décomposition de la matière organique, des micro-organismes (levures, champignons, bactéries) transforment une source de carbone, souvent le glucose, en acide, en gaz, en alcool. Naturellement présents sur un fruit, dans une cave, etc., ou inoculés volontairement, les ferments modifient aspect, texture, goût, odeur de l‘aliment. De plus, "le système microbien qui se met en place dans le milieu l‘acidifie. Il prend une niche écologique et empêche par là même le développement de toute espèce pathogène", ajoute Christophe Lavelle. Cerise sur le gâteau, "comparée à l‘appertisation ou la congélation énergivore, la fermentation est un mode de conservation zéro carbone".

La fermentation attendrit, rend plus digestes certains aliments comme les légumineuses (le soja du miso), les céréales lors de la panification, voire les enrichit. Merci les miasmes ! Ils "constituent un apport nutritionnel par eux-mêmes, telles les vitamines A et C, ou certaines du groupe B, instables et présentes uniquement dans les cellules vivantes", explique Marc-André Selosse dans sa saga du microbe Jamais seul (Éd. Actes Sud). Au XVIIIe siècle, la choucroute s‘est distinguée avec les marins de James Cook, sauvés du scorbut grâce aux apports nutritionnels, dont la vitamine C, des choux embarqués.

Banquet coopératif

Retour dans ma cuisine. Le kéfir a entamé son alchimie : un monde invisible s‘active avec Acetobacter, Lactobacillus, Zymomonas et d‘autres copines... "Imaginez un joyeux banquet !", décrit Christophe Lavelle. Un kéfir, à la différence du vin ou de la bière, peut accueillir jusqu‘à quinze profils de convives. "Au départ, c‘est menu unique – sucre, fruit et grains de ferment –, mais il y a les régimes particuliers : ceux qui se régalent des rejets des uns puis les transforment pour d‘autres." Car beaucoup d‘aliments fermentés sont le produit de fascinantes coopérations. Marc-André Selosse cite le yaourt qui "résulte d‘une symbiose entre deux bactéries (Streptococcus thermophilus et Lactobacillus bulgaricus) qui, bien que capables de vivre séparément, ne digèrent le lait que de concert".



Plein de promesses

Certes, on n‘a pas attendu Pasteur et ses travaux, ni les dernières observations sur les mutualisations microbiennes pour faire du sauciflard, mais au nom de la sacro-sainte hygiène, on a déclaré la guerre à tous les microbes. Au point d‘aseptiser l‘assiette, de standardiser les goûts. Heureusement, les aliments fermentés reviennent en force.

La science s‘y intéresse. L‘industrie aussi. Pourquoi ? Pour leur potentiel inexploité. Les communautés microbiennes, leurs interactions internes et externes, y compris avec celles internes au mangeur qu‘on appelle microbiotes (intestinal entre autres), sont scrutées. Comme pour les protéines, lipides et autres nutriments, les scientifiques s‘interrogent sur des recommandations d‘apports en "bons microbes".

La France, plutôt en pointe, a lancé il y a deux ans le programme Ferments du Futur, doté d‘un budget de 48,3 millions d‘euros, "pour explorer les multiples bénéfices", "développer de nouveaux procédés de fermentations, optimiser l‘existant, créer de nouveaux aliments", notamment du côté des végétaux parce que ce serait un bon moyen d‘en introduire plus dans nos assiettes.

Emblème de la naturalité en vogue, l‘usage des micro-organismes pourrait aussi permettre de limiter le recours aux additifs ou à l‘ultratransformation. C‘est ce qu‘affirme Antoine Baule, représentant de l‘Ania, l‘Association nationale des industries alimentaires, dans une interview croisée avec Damien Paineau, directeur de Ferments du Futur. Exemple, l‘arôme de vanille qui provient de la chimie du carbone et donc du pétrole. "La fermentation permettrait d‘obtenir de la vanilline, et de nombreux autres arômes, de façon naturelle. C‘est un des gros bénéfices de la fermentation, et c‘est ce qui attire les industriels. Petit à petit, la fermentation évincera les ingrédients obtenus par synthèse organique", annonce Damien Paineau.

On pourrait aussi désucrer les sodas en les faisant fermenter avec des grains de kéfir qui mangeraient leur sucre, imagine Christophe Lavelle. Pour le reste, on n‘y est pas. En attendant, "diminuer la consommation des sodas très sucrés par remplacement serait déjà un premier pas !", dit-il. Le youtubeur aux 19 millions de fans, Squeezie, récemment tombé lui aussi dans la fermentation, porte ce même discours pour son kombucha. Malin. Et avec tout ça, mon kéfir dans sa cuisine ? Top, merci. À vous de jouer !


Christophe Lavelle
Chercheur au CNRS et au Muséum national d'histoire naturelle

Il leur apprend à faire ami-ami avec les microbes ! Les fermentations sont au programme de la formation scientifique qu‘il dispense aux professeurs des écoles de cuisine. "C‘est le paradoxe de la fermentation, très ancienne mais récente dans leurs cursus. Nous consommons au quotidien des aliments fermentés, mais généralement ils sont du ressort des artisans ou industriels, et pas de la sphère culinaire", dit-il. On enseigne aux cuisiniers les cuissons, pas les fermentations. Ils apprennent aussi l‘hygiène et son ennemi, le microbe ! "Pourquoi ne pas apprendre à domestiquer les micro-organismes, à être capable de créer du plaisir en cochant en plus les cases de la santé et de la durabilité ? C‘est un changement de paradigme total initié il y a quelques années par les restaurants et publications de chefs médiatiques, qui ouvre des pistes extraordinaires." Et de citer Yannick Alléno en France ou René Redzepi au Danemark. Son restaurant à Copenhague, Noma, avec ses spécialités fermentées, a été sacré n° 1 mondial. Lui est l‘auteur d‘un guide éponyme devenu bible ! "Maintenant, beaucoup de chefs ont leur labo de fermentations et les grands sont toujours dans une course à l‘innovation." Comme celle du Mugaritz, où Andoni Luis Aduriz propose un dessert inattendu : la pomme pourrie ! "Il a eu l‘idée géniale d‘enduire une pomme à cidre âcre et acide du terroir basque d‘une solution de Botrytis. Ce champignon microscopique, présent dans les vignobles du sauternes ou de la Loire, donne des saveurs incomparables aux vins vendangés juste avant l‘hiver."

Avec le groupe de recherche interdisciplinaire qu‘il co-anime, Christophe Lavelle s‘intéresse particulièrement au kéfir à travers un projet de science participative : à partir d‘un même ferment, 1 000 particuliers font leur kéfir depuis un an. Le retour d‘expérience est pour bientôt. La biodiversité microbienne selon les personnes, leur façon de faire, leur environnement seront scrutés de très près. Il est impatient.


Pourquoi le moisi nous fascine-t-il ?

De l‘alimentation à la cosmétique, du design à la médecine, on les vante. La philosophe et journaliste Anne-Sophie Moreau s‘interroge avec humour sur notre fascination pour les champignons, bactéries, levures et autres acteurs du pourri qui ont longtemps inspiré la répulsion. Tient-elle à leurs promesses de préserver notre santé, voire de retarder la mort ? Ou au fait que les milliards de microbes qui nous habitent marquent notre unicité, tout comme les bactéries du roquefort lui sont spécifiques, et que cet univers intérieur ne peut pas être dupliqué (et paf, l‘IA !) ?

Dans un monde où la colonisation de Mars donne le vertige, le minuscule non programmable rassure. Et puis il y a eu aussi le Covid et l‘enfermement propice au recentrage dans le bocal. De là à voir dans la fermentation, comme certains le font, une métaphore des luttes féministes, ou dans les structures mycéliennes et les restes de kombucha des modèles d‘organisations horizontales basés sur l‘échange et la coopération, tout de même ! L‘auteure explicite. Et l‘on comprend que nous sommes entrés dans l‘ère d'"une société fermentative". Que les raisons de l‘attraction dépassent donc le seul aspect sanitaire, gustatif ou écologique, témoignant d‘une évolution dans notre rapport au corps, notre relation à la vie, à la mort. Et elle se demande si cette société-là saura puiser une forme de régénération dans le moisi...

Fermentations, Anne-Sophie Moreau, Éd. Seuil


Fermentation : des recettes pour se lancer

Parmi les nombreuses recettes de kéfir, j'ai choisi une version aux fruits et suivi le tuto Facebook de la marque Karma, que voici résumé.

INGRÉDIENTS

  • 1 l d‘eau
  • 60 g de sucre
  • 60 g de grains de kéfir
  • 3 figues 3 tranches de citron

PRÉPARATION

  • Mélanger avec une cuillère en bois.
  • Couvrir d‘un morceau de tissu maintenu par un élastique.
  • Au bout de 24 h ou quand les figues sont remontées  : première fermentation. Filtrer et verser dans une bouteille à fermeture hermétique.
  • Au bout de 48 h : seconde fermentation. On déguste !

Malika Nguon
Cheffe cuisinière passionnée de cuisine vivante et saine

Pour la cheffe Malika Nguon, passionnée de cuisine vivante et saine, membre du collectif Fervent Ferment organisateur de la fête Umamiammm à Montpellier et à Saint-Ouen le 13 septembre, "la fermentation est un formidable terrain de jeu qui, de plus, en restauration, permet de limiter le gaspillage quand on a des surplus de légumes !" Dans son dernier ouvrage, elle réalise des aliments fermentés qu‘elle incorpore ensuite à des recettes. Ainsi, avec un kéfir de lait (30 g de grains de kéfir dans 1 l de lait animal, fermentés durant 24 à 36 h dans un bocal couvert d‘un tissu maintenu par un élastique), elle réalise une crème fraîche : 50 cl de crème liquide entière et 5 ml de kéfir de lait en bocal couvert d‘un tissu). En 24 à 48 h, la crème épaissit. Bluffant ! Elle nous propose ici une lactofermentation de poireau.


Fermentations, Anne-Sophie Moreau, Éd. Seuil


Lactofermentation de poireau

Sa recette, extraite de La fermentation au quotidien, Éd. Ulmer.

INGRÉDIENTS

  • 400 g de poireau
  • Sel
  • Graines de moutarde
  • Saumure (2 % de sel dilue dans de l'eau non chlorée)

PRÉPARATION

  1. Laver les poireaux. Ôter les racines et la partie supérieure des feuilles vertes, trop dures.
  2. Découper en morceaux d'environ 1 cm.
  3. Placer les blancs et les verts dans un grand bol. Ajouter 7 à 8 g de sel et les masser en les pressant légèrement pour libérer leur jus, pendant 5 à 10 min.
  4. Ajouter 1 pincée de graines de moutarde.
  5. Transférer les poireaux salés dans un bocal en verre propre en les tassant bien pour éliminer l'air. Le jus libéré doit recouvrir les poireaux. Si nécessaire, ajouter un peu de saumure déjà prête.
  6. Placer un poids de fermentation ou une feuille de chou sur les poireaux.
  7. Fermer le bocal avec un couvercle hermétique.
  8. Laisser fermenter à température ambiante, à l'abri de la lumière directe, pendant 2 à 3 semaines, selon la température et l'intensité de fermentation souhaitée, puis au frigo.

ÇA C'EST BIOCOOP


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  • Une foultitude d‘aliments fermentés, des produits laitiers aux bières en passant par le miso, le tempeh et autre choucroute crue.

Article extrait du n°137 de CULTURE BIO, le mag de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles.

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